Projet Horne 5: on a inventé la norme qui interdit de s’améliorer

25 mars 2025

 

Le projet Horne 5, porté par Ressources Falco à Rouyn-Noranda, vise l’exploitation souterraine d’un gisement polymétallique (or, cuivre, zinc) situé au cœur d’un parc industriel minier, là même où d’anciennes mines ont déjà été exploitées. Conçu dès le départ pour s’intégrer dans un environnement urbain sensible, le projet repose sur des technologies de pointe pour capter et filtrer les émissions. Son objectif est double: respecter les normes environnementales les plus strictes tout en contribuant à améliorer la situation existante.Or, malgré ces efforts, le ministère de l’Environnement (MELCCFP) a opposé un refus fondé sur l’article 197 du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (RAA). Cet article interdit toute augmentation, même infinitésimale, d’un contaminant déjà en dépassement. L’entreprise se voit donc sommée de démontrer, à l’aide de modèles de dispersion prescrits à l’annexe H du RAA, que son projet aurait un impact absolument nul sur la qualité de l’air.En théorie, cela semble logique. En pratique, c’est irréaliste.

Impossible

Aucune activité industrielle – même dotée des meilleures technologies disponibles – ne peut garantir un impact absolument nul (0,000…∞) sur un contaminant déjà présent dans l’environnement. Autrement dit, la norme exige l’impossible. Et comme l’impossible ne peut être démontré, le projet devient, de facto, irrecevable.Pourtant, le projet Horne 5 ne se contente pas de limiter ses émissions: il contribuerait concrètement à améliorer la situation actuelle. Grâce à un système de ventilation et de traitement de l’air parmi les plus avancés, la mine capterait une partie des contaminants déjà présents dans l’air ambiant du secteur. Autrement dit, elle filtrerait l’air en provenance de l’extérieur, en plus de traiter celui qu’elle émet. Le résultat? Un bilan net positif sur la qualité de l’air. Le refus d’intégrer des données scientifiques reconnues, comme le bilan massique – pourtant mentionné dans le rapport du BAPE – ajoute à l’incompréhension.Ce n’est donc pas la pollution qui est en cause, mais une application rigide d’une norme conçue pour encadrer les activités industrielles, pas pour les interdire par principe. Cette posture soulève quelques questions. Depuis dix ans, d’autres projets industriels ont été autorisés dans ce même secteur géographique – usines de recyclage, incinérateurs, ateliers de peinture – sans être soumis à la même lecture intransigeante du RAA.

Préoccupation
Ce deux poids, deux mesures alimente une préoccupation importante: celle d’une instrumentalisation du règlement à des fins de blocage politique. Car ce refus ne repose pas sur une évaluation globale et équilibrée des impacts environnementaux, mais sur une exigence technique absolue, loin des réalités scientifiques et économiques. On ne protège plus l’environnement; on empêche un projet en invoquant une perfection théorique.Étrangement, cette décision va à l’encontre des objectifs que le Québec s’est lui-même donnés: réhabilitation des sites industriels, développement régional, transition énergétique, souveraineté minérale. Le projet Horne 5 s’inscrit dans cette logique. Il permettrait l’extraction de métaux essentiels à l’électrification des transports et aux infrastructures vertes, tout en s’appuyant sur la valeur de l’or pour assurer la viabilité du projet – un équilibre stratégique nécessaire à bon nombre de projets de minéraux critiques.Le rejet de Horne 5 envoie un signal clair, mais inquiétant: celui d’une instabilité réglementaire où la norme devient, à tout moment, un obstacle arbitraire. Ce signal compromet la crédibilité du Québec comme juridiction minière sérieuse, au moment même où il cherche à s’imposer comme chef de file dans l’économie des métaux critiques et stratégiques.Il ne s’agit pas ici de contourner la réglementation, mais bien d’en revoir l’interprétation. De revenir à l’intention véritable du législateur: protéger l’environnement de façon rigoureuse, tout en permettant à des projets responsables de contribuer à la prospérité durable des régions.
Alain Poirier
Directeur général de l’Association de l’exploration minière du Québec
Source: Journal de Montréal, 25 mars 2025